La médecine traditionnelle en débat à l’Assemblée Nationale du Cameroun : le CERDOTOLA au rendez-vous

 

Le 25 juin 2020, la Chambre basse du Parlement Camerounais a organisé, au Palais des Congrès de Yaoundé, une séance plénière spéciale d’informations et d’échanges sur la valorisation et la contribution de la médecine traditionnelle à l’offre de santé.

L’objectif de cette rencontre suscitée par la pandémie du COVID-19 était de trouver les voies et moyens de moderniser, codifier et valoriser la médecine traditionnelle pour en faire un support complémentaire à l’offre de santé nationale.

Y étaient présents les Membres du Gouvernement représentés, les Honorables Députés, des Chercheurs, des Tradithérapeutes, les Représentants du Ministère de la Santé, du Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation, de l’Organisation Mondiale de la Santé, le CERDOTOLA et la presse nationale et internationale.

Le CERDOTOLA était représenté au plus haut niveau par Son Secrétaire Exécutif, le Professeur Charles Binam Bikoi.

Cette séance plénière spéciale d’informations et d’échanges était ponctuée par des allocutions, des exposés et des échanges.

Présidéepar le Très honorable CavayeYéguié Djibril la séance plénière faisait suite au message à la nation du président Paul Biya, le 19 mai 2020, dans lequel il a encouragé les efforts et initiatives visant à mettre au point un traitement endogène du Covid-19. En toile de fond, un plaidoyer pour mettre fin à la marginalisation et à la stigmatisation de la médecine traditionnelle et en faire un complément essentiel et déterminant à l’offre de santé classique.

Le président de l’Assemblée Nationale, le Très Honorable CavayeYéguié Djibril, a, lors de l’ouverture des travaux, rappelé qu’environ 80% des populations des pays en développement font appel la médecine traditionnelle pour des soins de santé primaire. « Il est grand temps de sortir la médecine traditionnelle de la stigmatisation et de la marginalisation pour en faire un complément essentiel et déterminant à l’offre de santé classique» … «La représentation nationale, à travers les élus du peuple doit impulser et accompagner cette mutation, cette dynamique qu’on appelle de tous nos vœux», a-t-il ajouté, avant de préciser que la rencontre «ne vise pas à  crédibiliser les inventions et autres découvertes thérapeutiques de la médecine traditionnelle, mais davantage à s’informer sur l’opportunité d’encadrement de l’expertise en matière de médecine dite traditionnelle, laquelle médicine prend son ancrage dans les valeurs traditionnelles et dans le riche et diversifié trésor des plantes ancestrales».

A travers les communications des hauts cadres des ministères de la Santé publique et de la Recherche scientifique et de l’Innovation ainsi que celle des praticiens de la médecine traditionnelle, les assises de Yaoundé ont été une occasion pour faire connaître les avancées et les résultats probants enregistrés par la médecine traditionnelle,apprécier son impact économique potentiel et les perspectives de son développement.

Les éclairages, informations pratiques et partages d’expérience des experts de la pharmacopée locale comme Mgr Samuel Kléda, l’Imam Modibo Soudi, Dr PeyouNdi Samba, Dr Hopson, Dr Shantal Joséphine Briand K et TemfackVope, ainsi que des parlementaires qui ont participé aux échanges,devaient conduire à un éveil de la conscience collective, pour la revalorisation de la médecine traditionnelle.

Pour Mgr Samuel Kleda, l’archevêque métropolitain de Douala, qui a délivré une communication, le manque de formation, l’absence de fabrication des consommables et autres intrants pharmaceutiques au Cameroun sont autant de freins à l’essor de l’épanouissement dudit secteur à terme. Les populations sont soignées avec les plantes, mais la médecine traditionnelle n’a pas la place qu’elle mérite. Il faudrait que la phytothérapie ou la médecine traditionnelle entre dans nos écoles de formation médicale. À cet effet, il a insisté sur la nécessité de former les tradipraticiens à la maîtrise des plantes.

Durant la crise sanitaire du COVID-19, Mgr Samuel Kleda est l’un des premiers à avoir mis sur pied un phyto-médicament pour soigner le la maladie ou ses symptômes. Une initiative qui a reçu les encouragements du Premier ministre, Joseph Dion Ngute, qui lui a accordé une audience à la demande du chef de l’Etat du Cameroun.

La séance était séance particulière, compte tenu du contexte de crise sanitaire qui a notamment vu les Camerounais avoir recours à la pharmacopée traditionnelle, devant l’inexistence d’un traitement homologué pour faire face au Covid-19.En effet, plusieurs solutions thérapeutiques ont été développées en complément à celles de la médecine moderne, à l’effet de combattre et à réduire le Coronavirus. C’est le cas de la combinaison naturelle proposée par l’archevêque métropolitain de Douala, par ailleurs naturopathe.

Pour la Dr PeyouNdi Samba, médecin-biochimiste, spécialiste de la pharmacopée et coordinatrice d’un groupe qui a mis au point un remède censé soigner le Covid-19, « le premier enjeu de cette rencontre est de pouvoir produire des Médicaments Traditionnels améliorés, d’obtenir les autorisations de leur mise sur le marché afin de réduire les importations de médicaments, de faire entrer des devises à l’image des pays comme la Chine et l’Inde. La médecine traditionnelle représente « une source de revenus locale et un levier de création d’emplois », a-t-elle déclaré, avant d’ajouter qu’il est temps pour les africains de se pencher sur sa pharmacopée étant donné les limites observées par le médicament conventionnel ».

 

Depuis le début de la pandémie, la médecine moderne a montré ses limites dans le traitement du Covid-19. La rencontre visait donc à édifier les députés et surtout à mobiliser les énergies pour soutenir le secteur de la médecine traditionnelle qui s’est encore plus porteur de bien-être face la pandémie du nouveau corona virus.

 

A travers la mise en place d’un réseau de Parlementaires consacré à l’accompagnement et à la promotion de la médecine traditionnelle, les députés camerounais entendent plaider pour une participation et un accompagnement plus efficaces des pouvoirs publics, en vue d’améliorer et revaloriser la médecine traditionnelle afin d’en faire un outil de développement du secteur de la santé et d’assurer son intégration dans les politiques de soins.

 

 

Qu’est-ce SYSPA ?

Dans la phase des interviews qui a suivi la séance d’ouverture de la séance plénière spéciale d’informations, le Pr Charles Binam Bikoi a brièvement présenté le programme Systèmes de santé patrimoniaux de l’Afrique « SYSPA ».

Sous le signe de l’industrialisation de l’Afrique par les traditions, l’initiative du Pacte Africain de Développement pour l’Emergence par les Traditions (PADETRA), sortie du Colloque International de 2015, constitue le socle sur lequel se sont bâti le nouveau Programme-Cadre stratégique du CERDOTOLA qui vise à placer l’Institution au service de la Renaissance Africaine en tant qu’instrument de diplomatie culturelle innovatrice, capable de traduire la vitalité des dynamiques humaines africaines dans les enjeux de la globalisation économique, créative et politique.

Les activités y relatives sont donc les principaux outils de propulsion d’une dynamique d’émergence pour un développement culturellement soutenable. C’est dans le cadre de la mise en œuvre du PADETRA, ce nouveau Contrat Social de Développement, que la CERDOTOLA a procédé au lancement de deux nouveaux programmes scientifiques : ALIPA (Alimentation Patrimoniale des Africains) dont le slogan est ‘‘Nourrir l’Afrique de ses identités! ’’ et SYSPA (Systèmes de santé patrimoniaux de l’Afrique).

En effet, les SYSPA ont toujours existé, et l’OMS les définit comme étant la somme totale des connaissances, compétences et pratiques qui reposent, rationnellement ou non, sur les théories, croyances et expériences propres à une culture et qui sont utilisées pour maintenir les êtres humains en santé ainsi que pour prévenir, diagnostiquer, traiter et guérir des maladies physiques et mentales. On les dénomme alors par plusieurs appellations : médecine traditionnelle, ethnomédecine, médecine parallèle/alternative, etc. En Afrique, il est admis que 92% des populations utilisent ces systèmes de santé, en raison de son orientation ternaire (corps/esprit/âme) qui contribue à un plus complet état de bien-être. Pour autant, leur recours reste difficile, et leur reconstruction nécessite de faire appel à une expertise diverse mais holistique, hautement savante et convaincue de son exceptionnelle valeur. Les savoirs traditionnels dans le Programmes SYSPA comprennent donc les savoirs scientifiques, techniques, écologiques, folklorique (musiques, danses, chansons, artisanat, dessins et modèles, histoires, objets d’art), les éléments linguistiques (noms, indications géographiques, symboles), et les biens culturels meubles issus des pratiques médicinales (y compris les formes de médecines et les remèdes connexes). L’objectif clairement visé est la reconnaissance, la patrimonialisation et la valorisation de ces pratiques médicales, dans leur individualité et leur spécificité locales… Les savoirs médicaux de l’Afrique doivent être appréhendés dans la perspective de la diffusion de sa pratique médicale holistique, à l’intérieur et à l’extérieur du continent, à l’intérieur et à l’extérieur des groupes détenteurs. Le Programme SYSPA est donc un instrument de revendication des droits culturels et de soutien des spécificités locales. En même temps, le processus de patrimonialisation dans sa dimension métaculturelle aspire à une reconnaissance internationale.

 

RECOMMANDATIONS

 

Projet de recommandations à l’issue de la séance plénière spéciale d’informations et d’échanges gouvernement/parlement/chercheurs et praticiens de la médecine traditionnelle

Assemblée Nationale du Cameroun, Yaoundé, le 25 juin 2020

 

Le vingt-et-cinq juin de l’an deux mille vingt s’est tenu à l’Hémicycle de l’Assemblée nationale sis au Palais des Congrès un forum sur la médecine traditionnelle présidé par le Très Honorable CAVAYE YEGUIE Djibril, Président de l’Assemblée Nationale.

Y étaient présents les Membres du Gouvernement représentés, les Honorables Députés, les Chercheurs, les Tradithérapeutes, les Représentants du Ministère de la Santé, du Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation, de l’Organisation Mondiale de la Santé, la presse nationale et internationale.

Ce forum, suscité par la pandémie du COVID-19 avait pour objectif de trouver les voies et moyens de moderniser, de codifier et de valoriser la médecine traditionnelle camerounaise. Il était ponctué par des allocutions, des exposés et des échanges.

 

A l’issue des échanges, quelques recommandations ont été formulées :

  • Présenter au Parlement le Projet de Loi sur la Médecine Traditionnelle en instance depuis plusieurs années au niveau du Gouvernement ;
  • Renforcer la plate-forme de collaboration entre le Ministère de la Santé Publique, le Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et les Tradipraticiens de santé ;
  • Elaborer un répertoire national des Tradithérapeutes de santé ;
  • Susciter une véritable synergie et complémentarité entre la médecine traditionnelle et la médecine conventionnelle et envisager la création des Centres de santé intégrés de la médecine traditionnelle au même titre que les Centres de santé intégrés classiques placés sous la responsabilité de l’Etat ;
  • Renforcer les capacités infrastructurelles des instituts et centres de recherches institutionnels, publics et privés et de la société civile sur les plantes médicinales et médecine traditionnelle pour répondre à la nécessité de mettre à la disposition du public des médicaments standardisés, efficaces et sans risque ;
  • Développer l’industrie pharmaceutique locale pour limiter l’importation des médicaments et des consommables et intrants pharmaceutiques ;
  • Développer des stratégies de culture et de conservation des plantes médicinales ;
  • Envisager la création d’un corps de la médecine traditionnelle avec des Centres de formation officiels ou agrées ;
  • Instaurer une foire nationale annuelle de la médecine traditionnelle (Salon national de promotion de la santé patrimoniale) ;
  • Former les Tradipraticiens de santé sur les bonnes pratiques de récolte, de transformation et de conservation des plantes médicinales
  • Développer, diffuser la pharmacopée camerounaise et améliorer son conditionnement ;
  • Intégrer la médecine traditionnelle dans le système éducatif camerounais notamment dans toutes les Facultés de médecine, de pharmacie et les Centres de formation en soins médicaux ;
  • Protéger les droits de propriété intellectuelle des Tradithérapeutes et détenteurs des savoirs endogènes ;
  • Accompagner techniquement et financièrement les Tradipraticiens de santé pour la mise à la disposition des patients de médicaments sûrs et efficaces ;
  • Codifier les procédures d’obtention de l’Autorisation de Mise sur le Marché des médicaments à base des plantes et revoir les lois y relatives car seuls les Pharmaciens ont le droit d’en demander ;
  • Intégrer la médecine traditionnelle dans les soins de santé primaire ;
  • Mettre en place un réseau de Parlementaires consacré à l’accompagnement et à la promotion de la médecine traditionnelle.

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