Friday , 1 July 2022
Du nouveau aux Ăditions du CERDOTOLA : Parution de l’ouvrage sur l’enseignement des Langues et Cultures nationales (du Cameroun) đđŸ
Sous la direction de ZachĂ©e Denis Bitjaa Kody & Emmanuel NguĂ© Um, avec une prĂ©face du Pr Charles Binam Bikoi, vient de paraitre aux Ăditions du CERDOTOLA une Nouvelle publication intitulĂ© ââEnseignement des langues et cultures nationales : Approches thĂ©oriques, pragmatiques et didactiquesââ en aglais ââTeaching national languages and cultures : Theoretical, Pragmatic and Didactic Approachesââ.
Le Comité scientifique de cet ouvrage est constitué de :
Pius Akumbu, University of Buea, Gratien Atindogbe, University of Buea, Alexis Belibi, University of Yaoundé I, Zachée Denis Reviewers Bitjaa Kody, University of Yaoundé I & International Center for Bantu Civilisation (CICIBA), Eloundou Eloundou Venant, University of Yaoundé I, Valentin Feussi, University of Tours, Evelyne Fogwe Chibaka, University of Buea, Jeff Good, University of Buffalo, Lenore Grenoble, University of Chicago, Emmanuel-Moselly Makasso, Center for National Education,Ministry of Research and Scientific Innovation (Republic of Cameroon), Gérard Marie Noumssi, University of Yaoundé I, Clédor Nseme, University of Yaoundé I, Pierre Oum Ndigi, International Center for Research and Documentation on African Traditions and Languages (CERDOTOLA).
Ci-dessous, lâintĂ©gralitĂ© de la PrĂ©face du Professeur Charles Binam BikoĂŻ
«Les dĂ©bats contemporains sur lâenseignement des langues et des cultures africaines en gĂ©nĂ©ral, de celles localisĂ©es dans le territoire camerounais en particulier, pour indispensables quâelles soient, ne devraient pas faire perdre de vue le sombre destin auquel une certaine histoire croyait les avoir assignĂ©es.
Il faut situer la source de lâaction conspiratrice contre les civilisations africaines dans les thĂ©ories philosophiques formulĂ©es par des auteurs tels que Hegel, Heidegger, Malte-Brun et bien dâautres, Ă travers lesquelles lâimpĂ©rialisme colonial a cru pouvoir se lĂ©gitimer. Ensuite, il faudrait revisiter la lĂ©gislation coloniale soucieuse non seulement de crĂ©er les conditions dâune administration efficace au bĂ©nĂ©fice de lâenvahisseur mais surtout, dâannihiler toute vellĂ©itĂ© de rĂ©sistance dans lâesprit de lâindigĂšne, pour Ă©valuer, Ă posteriori, toute lâintelligence mise en Ćuvre pour faire aboutir le projet dâassimilation pensĂ© Ă lâavance.
Les postulats scientifiques des premiers philologues ayant foulĂ© le sol africain ne sont pas en reste. Câest le cas de Karl Meinhof qui, tout Ă©pris de lâĂ©cologie linguistique africaine quâil a pu ĂȘtre, nâaura pas manquĂ© de distiller Ă travers ses stipulations Ă©pistĂ©mologiques, des relents dâune idĂ©ologie impĂ©rialiste rĂ©dhibitoire. LâĂ©tude des langues africaines dâaprĂšs cet auteur, quand bien mĂȘme elle paraĂźtrait vaine et infructueuse dâun point de vue utilitaire, devrait pouvoir se justifier Ă lâaune dâun projet de dĂ©couverte et dâĂ©lucidation de la structure des idiomes « barbares » des indigĂšnes africains en tant que reflet dâune civilisation primitive pouvant mieux renseigner sur la structure, le fonctionnement et lâĂ©volution des langues de maniĂšre gĂ©nĂ©rale.
De la philologie prĂ©coloniale Ă lâethnologie coloniale il nây a quâun pas que les faits historiques nous permettent de franchir allĂšgrement. Est il besoin dâĂ©voquer les thĂšses de Lucien LĂ©vy-Bruhl sur « les fonctions mentales dans les sociĂ©tĂ©s infĂ©rieures », « la mentalitĂ© primitive », ou encore « lâĂme primitive », etc. pour comprendre que certaines entreprises scientifiques formaient le cĆur organisateur dâun idĂ©ologie anti-africaine qui allait se mettre en Ćuvre plus tard Ă travers lâaction coloniale ?
Il est vrai que la longue pĂ©riode quâavait durĂ© la traite nĂ©griĂšre avait dĂ©jĂ eu raison de pans entiers de la civilisation africaine -. Peut-on alors sâĂ©tonner que lâentreprise coloniale ait pu sâenorgueillir pompeusement de son action « civilisatrice » voire rĂ©demptrice ? Et comment alors, dans ces conditions, espĂ©rer que les cultures africaines aient pu trouver grĂące aux yeux de ceux qui avaient la charge de la mise en Ćuvre de cette mission «salvatrice » ?
On le voit trĂšs bien ; Ă plusieurs Ă©gards il est permis de penser que lâintĂ©rĂȘt portĂ© pour lâĂ©tude des langues et des cultures africaines ne visait pas lâĂ©panouissement de lâAfricain ; un tel investissement ayant vocation, de toute maniĂšre, Ă ĂȘtre vaine et infructueuse, tant lâidĂ©al occidental semblait naturellement sâimposer comme la voie royale.
Les efforts dĂ©ployĂ©s par les missionnaires en vue de lâĂ©tude et de lâenseignement des langues africaines ne sâinscrivaient que dans le cadre strict des nĂ©cessitĂ©s coloniales dâune part ou de lâintĂ©rĂȘt de la science fondamentale dâinspiration occidentale, dâautre part. Il faut dâailleurs se rendre compte, sous ce deuxiĂšme rapport, que lâĂ©tude des langues africaines Ă des fins expĂ©rimentales ou de validation des thĂ©ories linguistiques a largement dominĂ© lâagenda de la linguistique africaine jusquâĂ nos jours. La dichotomie entre « linguistique thĂ©orique » et « linguistique appliquĂ©e » est Ă ce sujet remarquablement clivante en contexte africain, comme si lâune pouvait procĂ©der sans lâautre. Le leg colonial nâa pas laissĂ© de greffer des stigmates mentales qui, de nos jours encore, continuent dâinfluer sur les pratiques scientifiques et acadĂ©miques en matiĂšre de langues et cultures africaines.
Pour mieux comprendre le reflet des schĂ©mas de reprĂ©sentation coloniaux sur nos pratiques scientifiques, acadĂ©miques et Ă©ducatives contemporaines, il suffirait de sâarrĂȘter un instant sur lâacclimatation incestueuse dont ont fait lâobjet des concepts tels que « langue », « culture », « civilisation », ou encore « littĂ©rature » en contexte africain. A quoi ressembleraient nos pratiques et nos postures savantes si, au lieu dâavoir intuitivement admis comme universelle et objective la conceptualisation occidentale de ces rĂ©alitĂ©s, la linguistique et lâanthropologie africaines les avaient reformulĂ©es Ă partir de lâexpĂ©rience sociale africaine ? Mbog chez les peuples basaa par exemple, ne rĂ©capitule-t-il pas la phĂ©nomĂ©nologie cosmique distribuĂ©e entre ces diffĂ©rentes notions ?
Quelle pertinence aurait alors lâĂ©tude de la « langue » sans la ramener au « fait culturel » qui la structure ? Comment apprĂ©henderait-on la « civilisation » Ă moins de lâavoir agrĂ©gĂ©e Ă lâhistoire et Ă la gĂ©ographie du fait culturel, lui mĂȘme rĂ©capitulant le fait linguistique ? Aurions-nous Ă inventer puis Ă dĂ©ployer, faute de mieux, un nĂ©ologisme tel que « littĂ©rature orale » dont les termes, dans lâusage du français standard, sâexcluent mutuellement, tout en suggĂ©rant en creux un agencement hiĂ©rarchique entre les « lettres » et « lâoralitĂ© » ?
Tant de contradictions organiques et structurelles dans nos pratiques scientifiques et dont les effets pervers ne sont pas toujours Ă©valuĂ©s Ă leur juste mesure, qui devraient nous alerter sur lâurgence dâune rĂ©fondation de nos approches dâĂ©tude, dâanalyse, de reprĂ©sentation, et dâenseignement des faits de civilisations africaines. Câest ce qui, me semble-t-il, a sous-tendu lâorganisation en septembre 2014, du tout premier colloque camerounais sur « lâEnseignement des Langues et Cultures nationales, Approches thĂ©oriques, pragmatiques et didactiques ».
Naturellement, le Centre International de Recherche et de Documentation sur les Traditions et les Langues Africaines (CERDOTOLA) a Ă©tĂ© honorĂ© dâaccompagner ce moment de rĂ©flexion et dâĂ©change, tant sur le plan de son organisation, des contenus savants, que de la valorisation des rĂ©sultats auxquels ont abouti les chercheurs, activistes et enseignants ayant pris part Ă cet Ă©vĂ©nement.
Câest lieu pour moi, en ma qualitĂ© de SecrĂ©taire ExĂ©cutif de cette institution, pour saluer lâexcellence des relations qui existent entre les universitĂ©s camerounaises et le CERDOTOLA en matiĂšre de sauvegarde, de promotion, dâenseignement et de valorisation de lâhĂ©ritage civilisationnel des peuples du Cameroun. Ce partenariat aura, une fois de plus, trouvĂ© matiĂšre Ă Ă©panouissement Ă travers la synergie des actions que le DĂ©partement de Langues et Cultures camerounaises de lâĂcole normale supĂ©rieure de lâUniversitĂ© de YaoundĂ© 1 et le CERDOTOLA ont mises en Ćuvre pour faire aboutir le projet dâouvrage collectif que nous avons le bonheur de cĂ©lĂ©brer. »
Professeur Charles Binam BikoĂŻ
Secrétaire Exécutif du CERDOTOLA
Août 2018
12 June 2022
10 June 2022
26 May 2022
24 May 2022