L’appellation « Pygmée » vient du grec pugmaios qui veut dire « peuples hauts d’une coudée ». Ce terme générique désigne de nombreux groupes humains qui ont longtemps vécu de chasse, de pêche, de cueillette et de ramassage, et qui sont disséminés de la côte atlantique d’Afrique centrale jusqu’en Ouganda . Serge BAHUCHET qui les a longtemps étudié, les subdivise en 3 grands groupes : les Bambuti (Bambuti, Asua, Efe…) localisés à l’Est du Zaïre, les Babinga (Bagyéli-Bakola, Baka, Aka, Babongo…) situés au Sud-Ouest du Cameroun, Nord du Gabon et du  Congo, les Batwa au Rwanda, Burundi, Sud-est et centre ouest du Zaïre.

Si nous  pouvons inclure les Abayanda au groupe Batwa et les Basua au groupe  Bambuti  en  Ouganda  ;  il  reste  difficile  de  prouver  la  classification des Bedjang qui vivent  isolés dans la plaine Tikar au Cameroun, au sein du groupe Babinga. Ces groupes  sont confrontés à un certain nombre de problèmes, dont le plus crucial est le saccage des milieux forestiers dans lesquels ils vivent depuis des lustres.

Depuis des temps très anciens, les populations Pygmées ont toujours fasciné le reste de la communauté humaine. De l’Egypte pharaonique jusqu’à nos jours, les Pygmées demeurent une curiosité qui ne manque pas de défrayer la chronique, ce qui leur vaut jusqu’à maintenant un intérêt réel, que ce soit de la part des scientifiques que de simples curieux. La vie des populations Pygmées est intimement liée à l’écosystème forestier. Toutes les communautés Pygmées, à l’exception des Bedjang dont une partie vit déjà en zone de savane, mènent leur vie quotidienne en forêt, dont la disparition rapide constitue un véritable désastre. Le milieu forestier tropical est d’une richesse exceptionnelle pour l’importante variété des  espèces qui  le  constitue ou  qui l’habite, ce qui  est appelé Biodiversité en d’autres termes depuis presque deux décennies. Connues pour l’extrême dénuement qui caractérise leur vie, toutes les populations Pygmées sont de grands connaisseurs des vertus de la biodiversité de leur milieu, notamment la valeur thérapeutique de ces espèces. Depuis plusieurs décennies, des tentatives de sédentarisation(7) des Pygmées dans les différents pays où on les trouve n’ont pas donné de grands résultats, ce qui est un problème réel pour les pouvoirs publics de ces pays pour la prise en charge de ces populations marginales. Le secteur social, particulièrement l’aspect éducatif pose beaucoup plus problème pour le soutien aux Pygmées. Par contre les problèmes de santé, bien qu’ils soient aussi nombreux comme nous pouvons le lire dans de nombreuses publications consacrées à la vie des ces populations, sont en partie résolus grâce à l’utilisation de leur pharmacopée qui jouit d’une grande réputation jusque chez leurs voisins.

Leur Organisation sociale

 Les groupes Pygmées constituent un exemple type des populations dites acéphales. Il n’y a donc pas de chef à proprement parler ; la vie  s’articule  autour  du  campement  qui  est  l’unité  principale  du  groupe.  Le campement constitue une grande famille dans laquelle les membres sont souvent parents, il  n’y  a  pas  de  hiérarchie dans le  sens  de  pouvoir, Joseph CORNET l’exprime clairement en notant : « l’autorité réside dans le groupe, et non dans une personne ». Les aînés jouissent tout de même d’un respect particulier qui est déterminant en cas de gestion de conflit dans le groupe. Depuis que le phénomène   de sédentarisation s’accentue chez les Pygmées, on trouve de plus en plus de chefs placés par l’administration. Ces chefs sont beaucoup plus des interlocuteurs entre leur groupe et l’administration, car ils ne jouissent d’aucune aura au sein de leur groupe.

Dans la tradition Pygmée fondée sur le partage, personne ne manque jamais de rien car la nature, et plus particulièrement la forêt, offre généreusement ses ressources que l’on  peut échanger et  partager. Malheureusement, au Cameroun, les Pygmées  sont aujourd’hui confrontés au mode de vie propre aux Bantous, basé sur l’appropriation et l’accumulation des ressources. Incapables de s’adapter tout seuls à ce système économique auquel ils ne sont pas préparés,ils  se retrouvent entièrement démunis.

Totalement inadaptés à l’environnement social qui leur est imposé, les Pygmées Bagyeli et Bakola sont de plus victimes de marginalisation en raison de la non reconnaissance de leurs droits fondamentaux : destruction de leur milieu de vie naturel, pas de terre, habitat précaire, insécurité sociale et alimentaire, non accès aux soins de santé primaires et aux structures d’éducation et de formation, non accès au marché et à l’emploi. Leur survie s’en trouve menacée.

L’intégration à part entière des populations Pygmées dans la société camerounaise est rendue très difficile par ce qui fait l’essence même de leur peuple, leurs valeurs et leurs  traditions culturelles. Fortement démarqué des usages habituels dits “modernes”, leur mode de vie en fait les proies faciles et désignées de leurs voisins qui, de fait, les exploitent et les maintiennent dans un réel asservissement.